doomspeedrun

Alors que la "Summer Games Done Quick", une convention s'étalant sur plusieurs jours afin de récolter des fonds pour une oeuvre caritative, a commencé hier, la rédaction vous propose de découvrir une discipline parfois assez méconnue du grand public : le speedrun.

 

Un peu d'histoire et de définitions

 

Même si le titre est assez évocateur pour les plus anglophones d'entre vous, le speedrun est tout simplement une discipline où le but est de terminer le plus rapidement un jeu. Pour cela, tous les moyens sont bons, même si ces derniers détermineront la catégorie dans laquelle vous concourrez (nous reviendrons ultérieurement sur ce point).

 

Bien que le "Time Attack" soit un mode de jeu ancestral dans les œuvres vidéo ludiques, la popularisation du speedrun a dû attendre le début des années 90 pour apparaître avec les premières compétitions de vitesse sur un jeu qui marqua a jamais les esprits : DOOM. 

 

Alors que certains outils n'étaient pas encore existants, le site "DOOM Honorific Titles" permettaient aux joueurs, dans de nombreuses catégories, de concourir en envoyant des enregistrements de leurs performances sur une des cartes du jeu original. L'enregistrement était ensuite analysé afin de vérifier qu'il n'y avait pas eu de triche pour ensuite les afficher sur le site, permettant ainsi un classement général des joueurs. Le speedrun était né.

 

Quelques années plus tard, toujours dans le genre FPS, un autre titre débarqua et marqua le vrai début de la popularisation du speedrun : Quake. Tandis que la communauté déjà présente sur DOOM commençait déjà à se tourner vers ce nouveau jeu qui lui permettrait une nouvelle fois de mettre en avant son expertise en terme vitesse, en avril 1997, Nolan "Radix" Pflug lança le site "Nightmare Speed Demos" qui se transforma quelques mois plus tard en un site bien connu de la communauté speedrunning encore aujourd'hui, le site "Speed Demos Archive".

 

 

Le site avait en 1997 eu l'idée de faire un projet commun entre différents speedrunners de Quake : une compilation des enregistrements les plus rapides de chaque niveau serait faite afin de montrer les possibilités de speedrun du jeu. La vidéo fut un réel succès à tel point que certains magazines de jeux vidéo l'eurent mise sur les CD qu'ils offraient avec le magazine, permettant ainsi une popularisation encore plus intense.

 

Cependant, alors que Quake et Doom étaient des jeux tout de même assez linéaire, un dernier jeu vint faire sa place dans le domaine, le jeu Super Metroid en 1994. La particularité du jeu par rapport aux deux jeux cités ci-dessus était sa non-linéarité, rajoutant ainsi une contrainte pour le speedrun car les joueurs devaient également prévoir quel chemin prendre pour optimiser au mieux leur déplacement dans l'immense niveau de Super Metroid.

 

TAS et Speedrun : frères ennemis

 

Si le speedrun tel que présenté ci-dessus relève uniquement du talent des joueurs, une nouvelle catégorie fit son apparition en 2001 : le "Tool-Assisted Speedrun" (Ou TAS). Le TAS a vu le jour avec la sortie d'un outil pour DOOM permettant d'enregistrer des demos en ralentissant le jeu au possible, donnant ainsi la possibilité aux joueurs de pouvoir appuyer sur les bonnes touches au bon moment.

 

Cependant, c'est quelques mois plus tard qu'un speedrun de Super Mario Bro 3 surgit, par un dénommé "Morimoto". Le speedrun était tout simplement pour les joueurs de l'époque impressionnant, Morimoto prenant des risques inconsidérés et ne semblant jamais faire une seule erreur, la déception tomba lorsqu'il expliqua tout le processus de création de la vidéo.

 

 

La run de Super Mario Bros 3 de Morimoto

 

Il utilisait un émulateur spécial lui permettant, à la manière du script de DOOM, de ralentir le temps, de pouvoir faire des enregistrements pour revenir en arrière et ainsi refaire plusieurs centaines de fois un passage jusqu'à obtenir un enregistrement parfait de la section, et ainsi terminer le jeu avec cette compilation d'enregistrement. Beaucoup jugèrent alors cette vidéo illégitime et discréditèrent l'auteur, jugeant que cette méthode nuirait à l'expansion du speedrun, et à la légitimité de la compétition.

 

C'est alors que fin 2001, Joel "Bisqwit" Yliliuoma eu l'idée d'ouvrir un nouveau site afin de répertorier les différents TAS, sous le nom TASVideos. A ce jour, le site compte près de 3200 speedruns enregistrés et validés, dans différentes catégories et sur de nombreux supports.

 

Segmented, Any%, Glitchless... des termes obscures

 

Si le TAS et le speedrun sont bien deux disciplines distinctes, ces dernières partagent une similarité : les catégories. En effet, chaque run (voire l'enregistrement) de chaque jeu peut se faire de différentes manières, et sous différentes contraintes.

 

La catégorie principale de chaque speedrun est le Any%, c'est à dire juste, terminer le jeu. Peu importe le moyen, juste terminer le jeu le plus rapidement. Cependant, si dans cette run, des bugs majeurs permettant de finir le jeu avec une différence drastique de temps interviennent, une nouvelle catégorie apparait dans la majeure partie des cas : la catégorie Any% Glitchless. 

 

Dans cette catégorie, il est interdit d'utiliser le glitch majeur pour terminer le jeu, permettant ainsi deux classements séparés. Vous l'aurez compris, le nombre de catégories ne dépend que des contraintes que les joueurs s'offrent, permettant ainsi une multitude de combinaisons possibles.

 

Les différentes catégories de Super Mario World

 

Il existe également une catégorie qui n'est pas impactée par le gameplay lui-même, mais par la manière d'enregistrer la vidéo, il s'agit des catégories "Single Segment" et "Segmented". La première est le fait d'envoyer une vidéo où le jeu a été fait d'une traite et la deuxième est une compilation des meilleurs segments mis bout à bout.

 

Cette deuxième approche ressemblante au TAS n'en est rien puisqu'il n'y a bien que le talent du joueur qui est mis ici à l'épreuve, ce dernier ne se servant pas d'outil pour jouer à la perfection, mais bien de son talent propre.

 

L'une des plus impressionantes run Segmented à ce jour : Half-Life.

 

Des conventions populaires, une communauté ouverte

La bannière de l'AGDQ 2016

 

Si le speedrun est encore parfois assez méconnu, les conventions autour de cette discipline commencent à se multiplier, et certaines permettent de récolter des fonds à des fins caritatives. C'est notamment le cas de la plus célèbre des conventions de speedrun "Awesome Games Done Quick". En janvier 2017, la convention a permis de récolter plus de 2 millions de dollars de donation pour l'association "Médecins sans frontières", et a atteint un pic de plus de 247 000 viewers simultanés lors de la run de Dark Souls III.

 

La communauté de speedrun est une communauté qui en deçà de la compétition, est très collaborative, les speedrunners partageant leurs nouvelles découvertes, souvent en live, ce qui permet à des conventions tel que l'AGDQ nommée précédemment d'être toujours un rendez-vous attendu par les runners et les spectateurs. Le speedrun a également la possibilité de créer de la hype grâce à des prises de risques lors des runs, rendant ainsi le visionnage attractif pour les joueurs les plus expérimentés comme les plus débutants.

 

En France, le speedrun est devenu principalement populaire grâce aux différentes émissions de commentaires sur les runs, (Speed Nimp de MisterMV, 88Miles à l'heure de RealMyop et Coeur De Vandale par exemple), et les conventions importantes sont bien souvent retranscrites afin que le maximum de personnes puisse profiter du mouvement.

 

Mais le speedrun est-il esport ?

 

Le débat est ouvert et il est avéré que speedrun et esport partagent certains points communs. Il est assez difficile de ne pas penser à Trackmania lorsque l'on fait le comparatif. Il n'y a en effet peu de différences entre le fait de faire une même course des centaines de fois pour parvenir au meilleur temps, et faire le même processus pour terminer un jeu. De plus, il existe des courses de speedrun sobrement intitulées "Races" où deux joueurs s'affrontent pour terminer le jeu le plus vite, en commençant au même moment.

 

Cependant, pour beaucoup, le speedrun est et doit rester une catégorie à part de l'esport, ce dernier n'ayant pas pour but d'être compétitif mais plus collaboratif.