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La rédaction se penche aujourd'hui sur un sujet bien complexe, l'essor de l'esport. Bien que nécessaire pour l'évolution du secteur, il est un réel danger pour de nombreuses structures historiques.

 

L'ère esportive entre maintenant dans un autre stade de son évolution où un besoin d'adaptation se fait sentir. Avec l'arrivée de nouveaux acteurs dans le milieu, les codes "traditionnels" sont bouleversés et de nouveaux enjeux attendent les structures historiquement implantées.

 

 

De forts enjeux économiques pour l'esport

 

Maintenant pris en considération par des sponsors traditionnels, l'esport jouit d'un fulgurant essor économique. Longtemps apparenté à des jeux de hasard notamment en France, les instances étatiques prennent maintenant la pleine mesure du phénomène en dissipant peu à peu le flou juridique l'entourant depuis plusieurs années comme en atteste le rapport sur le numérique présenté par Axelle Lemaire et voté par l'assemblée le 27 septembre 2016. Le rachat des droits de retransmission des LCS par MLB ou de Twitch en 2014 par Amazon met en évidence la place grandissante octroyée à la discipline par le monde marketing. Les contrats professionnels battent régulièrement des records, tandis qu'arrivent massivement de nouveaux investisseurs, notamment des clubs de football comme Schalke04, le PSG ou d'anciens joueurs de NBA qui ont clairement saisi les nouveaux enjeux de ce marché grandissant.  

 

Avec une croissance de plus de 50% entre l'année 2015 et 2016, les enjeux économiques sont colossaux pour ces nouveaux acteurs qui profitent de coûts d'investissements relativement bas, comparés à leurs secteurs principaux. On pense notamment à Coca-Cola qui, souhaitant renouer des liens avec un public 15-24 ans de plus en plus distant, a su se positionner sur l'esport en passant différents partenariats, notamment avec Riot Games pour la "Coke series" (maintenant Challenger Series) ou avec les canettes à l'effigie des personnages du MOBA à l'instar des joueurs de football français pour l'euro 2016.

 

 

 

 

La question des franchises se fait oppressante pour les différentes ligues

 

Le système actuel de « ligues » mis en place sur CS:GO, LoL ou Overwatch n'est pas une valeur sûre pour les investisseurs. Basées sur des systèmes de relégation, elles n'offrent pas la sécurité d'un retour sur investissement et bien que le potentiel financier soit exorbitant, rares sont les investisseurs téméraires à sauter le pas. Plusieurs professionnels du milieu ont à ce titre manifesté leur mécontentement, comme la CEO d'H2K Susan Tully qui s'est exprimée récemment après l'annonce de RIOT Games au sujet du refus de l'introduction de franchises pour les LCS : « Cela demande de lourds efforts personnels et financiers de faire en sorte qu'une équipe réussisse. Il n'est selon moi pas normal qu'une équipe soit éjectée au moindre faux pas ». D'autres acteurs, comme l'ex-caster LCS Montecristo, ajoutent : « Riot Games ne donne pas la possibilité aux structures participant à ses ligues de bénéficier de l’apport de leurs sponsors ».

 

Triste dilemme pour les éditeurs qui souhaitent garder un certain contrôle sur les activités de leur jeu tout en voulant donner un peu plus d'autonomie aux équipes. Certaines structure notamment aux États-Unis souhaiteraient voir des ligues évoluer sous un système semblable à celui de la NBA, c'est à dire sans relégations possibles, apportant une stabilité aussi bien financière qu'administrative. A contrario, les Européens sont culturellement plus proches d'un système "footballistique" avec relégations et une division 2 où seuls les clubs les plus fortunés perdurent. 

 

Le directeur esportif de Splyce Hans Christian "Liq" Dürr est revenu pour nous sur le système de franchises :

 

Je ne suis personnellement pas un grand fan des franchises. J’aime l’aspect compétitif et le fait que les équipes puissent être reléguées, permettant à de nouveaux acteurs d’entrer dans ce système [...] Plus de stabilité pourrait être apportée en augmentant notamment la durée entre chaque phase de relégation, en passant par exemple d’une relégation par split à une relégation par saison.

 

Avec des investissements avoisinant le million d'euros par split à l'heure actuelle il n'est donc pas étonnant, vu le manque de garanties, que seuls de riches investisseurs puissent se permettre d'y laisser des plumes.  

 

 

Des éditeurs toujours plus gourmands

 

L'explosion de l'esport n'est pas un phénomène si anodin pour certains éditeurs qui souhaitent s'imposer sur le marché compétitif via leur jeu phare. FIFA et autres Clash Royale sont de ces exemples typiques qui visent à élargir le public esportif mais qui peinent cependant à trouver raison auprès des structures historiques qui rétrogradent ces jeux à un environnement familial et non compétitif. Cependant avec une part de 27% sur le marché des jeux vidéo pour les jeux sur smartphone en 2016, équivalente à celle des PC et une évolution de 2% à 3% pressentie sur les 3 prochaines années, il y a fort à parier que les cartes soient rapidement rebattues. 

 

Tout autant problématique pour les structures, la question du droit de regard que certains éditeurs se sont octroyés concernant les transferts de joueurs semble gêner. Appliquer des lois dont seul l'éditeur est le maître ne semble pas convenir et rebute certains investisseurs, imposant des clauses de contrats tout à fait aberrantes aux joueurs. La possible création d'un syndicat de joueurs n'est donc plus une utopie mais pourrait effectivement arriver dans les mois ou années à venir. De plus il s'est récemment constitué à Seattle, un cabinet d'avocat spécialisé dans l'esport afin de répondre aux besoins juridiques des différents acteurs du secteur. 

 

L'issue semble compliquée car les conflits d'intérêts se multiplient mais aucun acteur n'est enclin à lâcher du lest sur un sujet aussi épineux. 

 

Évolution du montant des récompenses lors des tournois esport, durant la période 1998–2014

 

Une professionnalisation contradictoire mais inéluctable

 

Hier amateur, aujourd'hui professionnel, le monde esportif a au travers de son évolution adapté ses compétences à la concurrence. Issus du sport traditionnel, des métiers comme coach ou analyste ont maintenant leur penchant esportif. De grands noms de la scène comme ESL emploient maintenant un peu plus de 350 personnes et les successives reconnaissances du statut de joueur professionnel par les Etats-unis, la Russie et même la France ancrent de plus en plus cet environnement dans le monde professionnel.

 

Selon Hans Christian "Liq" Dürr:

 

Voir des grandes structures sportives rentrer dans l’esport est quelque chose de fantastique car ils vont faire évoluer le milieu et nous permettre d’apprendre du monde sportif traditionnel. 

 

Exit donc les amateurs ? Rien n'est moins sûr, car s’il y a bien une chose dont a besoin l'esport actuellement, c'est de l'expérience des amateurs présents depuis des années et qui ne connaissent que trop bien cet environnement et ses dérives. Malgré un essor prononcé, une grande partie des structures s'appuient toujours sur ses bénévoles car leur marge de manœuvre est encore limitée à cause d'un manque de garanties sur les investissements réalisés.  

 

 

Une image de marque à forger pour durer

 

L'explosion de l'esport a propulsé le milieu dans une surenchère économique où les colosses aux pieds d'argile n'ont pas leur place. On pensera notamment en premier lieu à Melty ou Infamous, deux structures françaises à qui tout semblait réussir jusqu’à il y a encore quelques mois et qui ont décidé de mettre la clé sous la porte du jour au lendemain pour cause de difficultés financières. L'argent semble au centre des préoccupations même s’il est clair que pour entretenir un avenir perrein, il faut ruser. 

 

Certaines structures comme Fnatic ou TSM ont compris cela et ont mis en avant une image de marque associée à leur nom. Forgée au fil des conquêtes et des défaites, portée par des joueurs qui ont marqué les esprits, l'image est un moteur puissant pour ces structures. Véritable vitrine pour les investisseurs qui visent à élargir leur audimat, elle se doit d'être stable, attractive et gage de qualité. 

 

Assimilés à de véritables clés de voûte pour la structure, les joueurs jouent une place centrale, non seulement compétitivement mais aussi et surtout médiatiquement. Ainsi, des actions mémorables contribuent fortement à l'image de la marque et permettent ainsi de fidéliser un certain public. D'anciens joueurs charismatiques comme xPeke ou Ocelote ont su mettre à profit leur notoriété pour s'imposer avec leurs nouvelles structures dans l'esport.

 

 

Nombreux sont les défis à relever pour les structures historiques dans cette nouvelle ère esportive qui s'amorce depuis quelques années maintenant et qui offre une multitude de possibilités aussi bonnes que mauvaises. Dans un marché où la concurrence est de plus en plus féroce et où le moindre faux pas est sanctionné économiquement les structures traditionnelles se doivent d'avoir les reins solides. Reste maintenant à faire bon usage de leur expertise afin de se construire sur des bases solides pour ce marché fleurissant.