Vous n'avez pas pu passer à côté de cette information, l'éditeur du FPS à succès Counter-Strike: Global Offensive a choisi de s'attaquer à la face sombre de son jeu : les jeux d'argent (aussi connus sous leur appellation anglaise « gambling »). Mais pourquoi maintenant et quelles conséquences peut-il avoir sur son jeu ?

 

Le business des jeux d'argent sur CS:GO avait atteint des sommets ces derniers mois. De plus en plus de sites voyaient le jour, les sommes mises en jeu par les joueurs étaient de plus en plus importantes et les scandales commençaient lentement mais sûrement à être rendus public. Ce phénomène avait pris de telles proportions que les streams les plus visionnés, hors grands tournois officiels, étaient alimentés par des diffuseurs qui faisaient justement la promotion du « gambling ». Or cette situation devenait problématique, tout d'abord en terme d'éthique puisque les streamers les plus connus étaient sponsorisés par les sites sur lesquels ils jouaient (bon nombre d'entre eux usaient d'ailleurs de triches diverses pour laisser croire que gagner était facile), mais aussi d'un point de vue juridique car aucun contrôle n'existait de manière à protéger les mineurs, prévenir l'addiction etc.

 

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Un virus qui mettait en danger Valve

 

Tel un virus, le « gambling » touchait toutes les sphères de la scène Global Offensive. Joueurs professionnels, équipes sponsorisées, youtubers, streamers populaires et même des investisseurs privés qui voyaient dans ce phénomène une véritable poule aux œufs d'or. Or vraisemblablement, jusqu'à l'intervention de Valve, c'était le cas. Les contrats de sponsoring sont toujours restés confidentiels, mais le récent scandale qui a touché l'Américain Mohamad "mOE" Assad nous a permis de nous faire une idée des sommes engagées. Le joueur avait en effet négocié 10% du chiffre d'affaires de la société pour laquelle il acceptait de faire de la publicité, ce qui l'amenait rapidement à empocher plusieurs centaines de milliers de dollars tout en flouant l'ensemble des personnes qui le suivaient. C'est d'ailleurs finalement grâce à cette affaire que l'arnaque magistrale mise en place par ces sites a pu faire la une des différents médias internationaux.

 

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Outre ces procédés plus que condamnables, d'autres procédures cette fois judiciaires commençaient à faire leur apparition. Un premier joueur américain avait décidé de porter plainte contre Valve en accusant l'éditeur de « permettre sciemment, d'être complice de la création, du maintien et de faciliter la tenue d'un marché où les joueurs et des tiers échangent des skins d'armes comme on le ferait avec des jetons de casinos ». Alors même si nous avions vu que l'affaire initiée par Michael John McLeod n'avait que peu de chance d'aboutir, elle avait donné des idées à des plaignants bien plus gênants. En effet aux États-Unis des cabinets entiers d'avocats sont spécialisés dans ce genre d'affaires, et les défauts que pouvait posséder la plainte de Michael John McLeod étaient assez faciles à corriger. Une seconde plainte avait alors vu le jour, celle d'une mère cette fois (qui ne pouvait donc pas être accusée d'avoir elle-même misé de l'argent). Elle avait choisi de viser CSGO Lotto, un autre site touché par un scandale de publicité déguisée, de triche et de tout ce que les jeux d'argent possèdent de plus malsain.

 

Soutenue par le cabinet d'avocats Jones Ward PLC en Floride, spécialisé dans les recours collectifs contre de grandes sociétés, cette mère de famille avait bien plus de chances de faire trembler Valve, alors même que l'éditeur n'était pas visé directement par sa plainte. Car en permettant à des entreprises d'utiliser les comptes Steam de ses utilisateurs, Valve se rendait complice et risquait gros. Les sommes engrangées par le jeu d'argent sur CS:GO et DotA 2 avaient atteint des sommes folles qui chiffraient l'amende potentielle pour la firme de Seattle à plusieurs millions de dollars. Sans parler des risques pour son image, ce qui aurait pu entraîner une perte de confiance des investisseurs et par conséquent créer d'importants remous dans une société tentaculaire qui aime rester discrète. Finalement, c'est donc plus cette peur de se retrouver devant les tribunaux qu'un véritable regain d'éthique qui a poussé Valve à agir. Le « gambling » dérivait depuis bien longtemps sans aucun contrôle, l'éditeur semblant même le favoriser en fermant les yeux ou en débloquant des bots comme cela a pu être le cas sur CSGO Lounge.

 

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Une baisse d'audience possible

 

Désormais Valve a décidé, cinq ans après avoir permis l'apparition de ce phénomène dans ses jeux, de mettre un terme à l'utilisation abusive de son OpenID API. Mais l'éditeur ne ferme pas totalement le robinet, il compte d'abord envoyer des notifications aux contrevenants en les menaçant de poursuites s'ils ne cessent pas leurs activités. Cela aura-t-il un effet radical si certaines sociétés se délocalisent dans des paradis judiciaires comme elles ont déjà su le faire dans les paradis fiscaux ? Eh bien en terme de radicalité dans les actions, on peut faire confiance à Valve pour mettre un terme rapidement aux agissements de ceux qui les gênent. Mais qui visent-ils exactement ? Les sites de loterie on l'a bien compris mais est-ce qu'un site de paris comme CSGO Lounge est concerné ? A priori oui, il entre également dans la catégorie décrite par Valve dans son communiqué, ces fameux sites qui utilisent l'OpenID API et permettent d'échanger des items.

 

 

Or si l'action sur tous les sites de loterie a déjà eu une première conséquence radicale sur Twitch, la fin de ceux qui permettent de parier sur des matchs pourrait bien être catastrophique pour tous ceux qui travaillent sur l'audience. La première action d'envergure suite à l'annonce faite par Valve a donc été un communiqué diffusé par la première plate-forme de streaming du monde : Twitch. Ces derniers ont déclaré :

 

Pour rappel, selon les conditions d'utilisation de Twitch , les diffuseurs ne sont pas autorisés à diffuser du contenu qui rompt les termes des accords de service ou de l'utilisateur à un tiers . Ainsi, les contenus dans lesquels le radiodiffuseur utilise ou fait la promotion de services qui violent les restrictions énoncées par Valve est interdite sur Twitch. Nos règles de conduite listent d'autres exemples de comportement prohibés tels que jouer à des jeux piratés et jouer sur des serveurs privés non autorisés.

 

Conséquence immédiate, toutes les chaînes qui diffusaient des parties sur les sites de jeu d'argent ont été obligées de trouver du nouveau contenu à proposer à leurs vidéonautes. Du coup la première page de Counter-Strike: Global Offensive sur Twitch a totalement changé, on retrouve désormais du gameplay et plus toutes ces diffusions de jeux de skins. Il sera intéressant d'observer si cela a eu des conséquences directes sur l'audience du jeu, ou bien si les effets sont minimes. En revanche, ce qui serait bien plus problématique, ce serait une fermeture de sites tels que CSGO Lounge. Ces derniers drainent une masse considérable de vidéonautes sur les matchs où ils permettent des paris. Sans les paris, le sport électronique sur CS:GO n'en serait certainement pas où il en est aujourd'hui. C'est pour cette raison que beaucoup supposent, certainement à juste titre, que les paris seront épargnés par Valve.

 

 

 

Une crise économique virtuelle

 

Les premiers sites à avoir pris la décision de cesser leurs activités ont été très rapides. On a ainsi pu voir CSGO Double encourager les joueurs à quitter l'aire de jeu et récupérer leur inventaire stocké. Dans le même temps certains utilisateurs ont voulu prendre les devants, et comme en période en crise ils se sont rués vers les sites où une partie de leur inventaire était stockée pour le récupérer. Il y a donc d'ores et déjà eu des retours de personnes qui n'arrivaient pas à récupérer leurs objets, comme sur CSGO Wild par exemple. Il faut bien comprendre que les sommes en jeu, même si elles restent des estimations sur un marché de skins virtuels, sont considérables. L'addition des 10 plus importants inventaires dépasse les 1,5 millions de dollars. La sortie de tous ces items risque de faire chuter les cours du marché, d'entraîner une baisse radicale des ventes et par conséquent de frapper de plein fouet la poule aux œufs d'or de Valve.

Un maintien des sites de paris permettrait d'atténuer ces effets et de revenir à une situation plus stable comme on l'avait connu avant l'arrivée massive de toutes ces loteries. Raison de plus de penser que les portails permettant de parier sur les matchs resteront actifs, sans cela Valve risquerait de créer la première crise économique virtuelle de son existence. La panique a déjà touché tous ceux qui avait des skins sur des sites qu'ils savaient malhonnêtes, pour l'instant elle est restée assez confinée à ce secteur sans se propager dans d'autres dimensions du FPS. N'oublions pas non plus que si Twitch a mis une barrière aux diffuseurs, ces derniers pourront toujours profiter d'autres plate-formes plus bienveillantes comme YouTube, Facebook Live ou Periscope par exemple. Pour l'heure, les effets sont donc assez limités et on ne sait pas encore quelles réponses vont apporter ceux qui vivaient de ce business.

 

 

Finalement la décision prise par Valve devrait enfin permettre de réguler un secteur qui devenait totalement hors de contrôle. Les dérives et l’appât du gain avaient mené à des situations totalement absurdes ou les joueurs compétitifs n'ont pas hésité à se fourvoyer. Valve devrait toutefois tenter de protéger l'un de ses jeux phares, et ses bénéfices, en limitant la casse au maximum. Si l'éditeur permet toujours aux fans de parier, il évitera une perte d'audience considérable et devrait limiter les effets des retraits de skins massifs sur les sites de loterie. Dans le cas où Valve choisirait de tout interdire, on peut s'attendre à un effondrement du marché virtuel et de l'audience, ce qui pourrait avoir des conséquences sur l'ensemble du secteur du sport électronique. Les organisateurs, sponsors et diffuseurs se basant sur des perspectives de croissance continue, la chute d'un titre aussi populaire que Global Offensive serait dramatique.

Et puis il existe une troisième solution, celle où les sites continuent leur vie en ne cédant pas aux menaces de Valve, ils diffusent sur d'autres plate-formes que Twitch et poursuivent leur existence le temps que l'éditeur trouve un moyen d'isoler individuellement les récalcitrants, ce qui prendrait plusieurs mois. Nous penchons plutôt pour la première solution, celle où vous pourrez toujours parier, où les loteries disparaissent et où CS:GO se porte bien mieux !