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Le géant de l'internet chinois a commencé à se faire connaître dans l'univers du sport électronique et des jeux vidéo en 2011, lorsqu'il a décidé d'investir dans le développeur de League of Legends. Dernièrement ce mastodonte a choisi de s'attaquer aux jeux mobiles en rachetant 84.3% de Supercell pour un montant de 8,6 milliards de dollars.

 

La stratégie de Tencent au niveau international a de quoi effrayer tant le groupe devient tentaculaire en possédant des parts dans un grand nombre d'éditeurs de jeux vidéo. Outre les 100% chez Riot Games et les récents 85% de Supercell, Tencent c'est également 25% d'Activision-Blizzard, 40% d'Epic Games, 21,5% de Glu Mobile, 28% de CJ Games, 20% de Pocket Gems, l'intégralité de Robot Entertainment et de Miniclip. En clair les investissements que ce soit dans le sport électronique, le jeu vidéo classique ou bien le jeu mobile sont colossaux. A titre de comparaison, la somme dépensée par Tencent pour racheter les parts de SoftBank dans Supercell est supérieure à celle qu'avait payé Microsoft pour s'acheter le fabricant finlandais Nokia. Plus impressionnant encore, en additionnant quelques acquisitions phares de ces dernières années on arrive à peine à la valorisation totale de Supercell après l'arrivée de Tencent dans le capital de l'éditeur. Ainsi Supercell vaut aujourd'hui 10,2 milliards de dollars soit la somme du rachat de YouTube par Google (1,6 milliards de dollars en 2006), de Mojang par Microsoft en 2014 (2,5 milliards de dollars), d'Oculus par Facebook en 2014 (2 milliards de dollars) et de LucasFilm par Disney en 2015 (4 milliards de dollars).

 

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Tencent le géant mondial du jeu vidéo PC et mobile

 

Ce simple calcul vous donne une idée plus précise de la puissance de frappe du géant chinois, ce dernier faisant jeu égal avec les plus grandes sociétés américaines, tout en ayant largement la capacité financière d'aller au bout de ses ambitions. Pourtant personne ne connait vraiment Tencent hors des frontières chinoises et des milieux spécialisés, les joueurs de League of Legends n'ont d'ailleurs pas senti de différence quand en décembre 2015 Riot Games est passé à 100% sous pavillon chinois. Évaluée à plus de 200 milliards de dollars en 2014, l'entreprise a su depuis faire fructifier ses acquisitions tout en demeurant extrêmement discrète. Mais quel intérêt peuvent bien chercher les Chinois chez Supercell ?

Premier avantage non négligeable, la bonne forme de Supercell qui permet à Tencent d'espérer dégager plus de 13 milliards de dollars de revenus en 2016 dans les jeux vidéo, ce qui leur permettrait de détenir à eux seuls 13% du chiffre d'affaires mondial. De plus ce rachat leur offre la place de numéro 1 mondial du jeu mobile, ce qui complète leur travail sur PC où ils occupent déjà la première place grâce à League of Legends. Etre leader mondial d'un secteur aussi important a un coût, et Tencent était prêt à le payer.

 

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Autre objectif du groupe, s'exporter un peu plus en Occident et sortir de Chine. L'année dernière ils n'avaient pu générer que 1,3 milliards de revenus hors de leurs frontières. Grâce à Riot Games et Supercell Tencent devient l'un des leaders du marché mondial des jeux vidéo en Occident. Mais leur travail ne s'arrête pas là, ils oeuvrent également énormément au maintien de leur place dominante en Chine, ils sont d'ailleurs parvenus à force de persévérance à faire de League of Legends le jeu numéro 1 du pays. Leur objectif est donc désormais de réaliser la même performance avec Clash of Clans ou Clash Royale dans l'univers des mobiles. Finalement suite à ce rachat Tencent est devenu plus puissant que les géants Activision-Blizzard et Electronic Arts réunis. Or justement ces concurrents directs se penchent eux aussi sur les jeux mobiles (en février Activision-Blizzard se payait par exemple King, l'éditeur de Candy Crush Saga). En rachetant Supercell au nez et à la barbe de tous, les chinois ont pris de vitesse tous leurs adversaires et ont démontré une puissance de frappe incomparable.

En Chine ils n'avaient pas forcément besoin de consolider leur position, ils détiennent déjà 10 des 30 jeux mobiles les plus populaires du pays. En revanche en Occident il fallait prendre des parts de marché et c'est désormais chose faite. La politique du groupe qui est également de ne rien changer aux habitudes des entreprises qu'elle rachète est un bon point, cela devrait leur permettre d'éviter le pire des scénarios : un départ massif des talents chez Supercell qui décideraient d'utiliser l'argent récolté pour créer leur propre studio. De ce point de vu là on peut faire confiance aux chinois pour calmer les ambitions indépendantistes des développeurs et les chouchouter comme il se doit en intervenant le moins possible, et en répondant au maximum à leurs attentes.

 

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Et l'esport dans tout ça ?

 

Désormais pesant le double d'Activision-Blizzard et le triple d'Electronic Arts, Tencent n'a plus grand chose à craindre des deux géants américains. Concernant la guerre qui a éclaté autour du sport électronique, grâce à League of Legends Tencent est déjà le leader mondial dans ce domaine, mais avec Clash Royale et ses ambitions esportives, Tencent pourrait bien devenir également le leader de la compétition sur mobile. Ces dernières semaines Supercell a d'ailleurs mis à jour son jeu afin de permettre aux joueurs d'organiser leurs propres tournois. Le but est simple, même si l'éditeur compte organiser et surveiller les plus grands événements, il a également compris qu'il fallait une scène d'amateurs libres capable de s'émuler elle-même. Plus il y aura de clans, plus il y aura de compétitions, plus il y aura de tournois et plus on parlera du jeu ce qui amènera de nouveaux joueurs dans l'arène. Le schéma peut paraitre simple et pourtant ce n'est pas le choix qui a été fait par tout le monde.

 

En récupérant Supercell dans son escarcelle Tencent a également mis la main sur les plus de 100 millions de joueurs revendiqués (l'équivalent de 500 000 joueurs pour 1 employé de l'éditeur). Cette masse est une aubaine, car pour le moment le marché de la compétition sur mobile est totalement neuf. Par exemple au niveau de la retransmission des parties, Supercell a mis en place sa propre TV Royale ce qui pourrait leur permettre de se passer d'intermédiaires tels que Twitch. C'est d'ailleurs aujourd'hui une question à laquelle beaucoup d'éditeurs cherchent une réponse, comment se passer de Twitch et de sa position ultra-dominante ? L'une des réponses pourrait bien venir des jeux mobiles avec la mise en place d'une plate-forme propre à chaque jeu.

 

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Autre point fort de Tencent League of Legends. En possédant l'intégralité du jeu esport numéro un dans le monde, ce sont 67 millions d'utilisateurs mensuels et 27 millions quotidiennement qui sont d'ores et déjà ancrés dans un modèle qui a le mérite de plutôt bien fonctionner. Mais ce n'est pas tout, grâce à ses 25% détenus au sein d'Activision-Blizzard Tencent, qui ne possède pas les droits de distribution de Call of Duty en Chine, pourrait bien essayer de les récupérer à son profit. Or le FPS a le potentiel pour devenir à terme le leader incontesté des compétitions sur consoles. N'oublions pas non plus les parts chez Epic Games, éditeur à l'origine du hit populaire des années 2000, Unreal Tournament, qui travaille actuellement suir leur MOBA nouvelle génération: Paragon.

Finalement les capacités de Tencent suite au rachat de Supercell sont accrues. Désormais la société est le leader mondial du jeu vidéo, loin devant les plus grands groupes internationaux. La stratégie bien menée par les dirigeants chinois leur a permis de s'octroyer une place au soleil, même si pour cela il aura fallu dépenser des sommes record. Tous les analystes s'accordent toutefois à dire que les 8,6 milliards dépensés pour se payer Supercell n'étaient pas un investissement démesuré. Les perspectives d'évolution de l'entreprise chinoise sont aujourd'hui encore plus vastes, et en tant que leader de l'esport international, toutes leurs décisions auront des conséquences sur l'évolution même du marché ainsi que son développement.