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Un joueur de Counter-Strike: Global Offensive a décidé de poursuivre Valve en justice. Il accuse l'éditeur du jeu de permettre et de favoriser la tenue d'un marché illégal de paris en ligne autour de son jeu.

 

Le joueur en question est un américain du nom de Michael John McLeod, dans sa plainte il déclare que l'éditeur « permet sciemment, est complice de la création, du maintien et de faciliter la tenue d'un marché où les joueurs et des tiers échangent des skins d'armes comme on le ferait avec des jetons de casinos ». Citoyen américain résident dans le Connecticut, Michael pointe du doigt l'existence et le fonctionnement même de plates-formes telles que CSGO Lounge, CSGO Diamonds ou encore CSGO Jackpot. C'est par le biais du site d'actualité Polygon.com que l'affaire a été dévoilée. Une histoire qui pourrait bien entraîner des modifications dans le traitement des paris et de la revente des skins du FPS de Valve.

 

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Une plainte plutôt mal engagée

 

Le parallèle fait avec les casinos n'est pas anodin, la législation sur les jeux d'argent étant stricte, l'utilisation de la revente de ses skins pour récupérer de l'argent réel entraîne une situation peu tenable pour l'éditeur. Même si ce n'est pas ce dernier qui tire les ficelles, on ne peut nier qu'il a profité de l’émergence de ce marché pour favoriser les achats dans son propre commerce d'armes virtuel. De plus en permettant aux sites de paris d'utiliser les comptes Steam de ses membres, Valve se rendrait logiquement complice tout en usant de ses propres taxes sur chaque transaction pour gagner des bénéfices. Jusqu'à maintenant l'entreprise de Seattle n'avait jamais été réellement inquiétée sur cette question, pourtant comme le déclare Michael John McLeod aucune vérification de l'âge n'est faite lorsque vous liez votre compte Steam à un site de paris ou de revente.

Mais malgré les arguments solides du plaignant, lorsque l'on interroge des experts de la question, la plainte a de grandes chances d'être rejetée. Le site Esports Betting Report a notamment interrogé un avocat spécialiste du sujet des jeux d'argents, Jeff Ifrah du cabinet Ifrah Law, et ce dernier a déclaré : « Je dirais que ce procès est futile et la plainte est susceptible d'être rejetée ». La cause de ce probable rejet ? Le fait que Michael John McLeod ait avoué avoir été lui-même un parieur durant plusieurs années. Qu'il a tenté de gagner de l'argent en pariant pour revendre des objets virtuels lorsqu'il était mineur, pour poursuivre quand il avait passé l'âge adulte. Or de son propre aveu il a perdu plus d'argent qu'il n'en a gagné, sans toutefois que qui que ce soit ne l'ait forcé à prendre part à ce marché.

Autre point négatif dans la plainte de cet américain, la jurisprudence récente aux États-Unis obtenue après un procès dans l’État du Maryland. La cours a considéré que le fait de jouer des objets virtuels dans un monde virtuel pour obtenir une récompense virtuelle ne pouvait pas être classé dans la catégorie des jeux d'argent. L'affaire jugée dans le Maryland ne concernait pas CSGO mais un autre jeu vidéo : Game of War's. Dans ce dernier vous gagner de l'or, que vous pouvez aussi acheter avec de l'argent réel. Cette monnaie virtuelle vous devez ensuite la dépenser afin de remporter des trophées. C'est le principe même des free to play et ce qui leur permet d'être rentables. Ce que vous pouvez faire de vos récompenses derrière, revendre votre compte ou autre, cela ne concerne plus l'éditeur du jeu qui a été blanchi totalement.

 

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Des arguments à faire valoir

 

Pourtant les arguments avancés par le joueur américain vont plus loin, le fait de pouvoir lier son compte Steam à celui de sites dont les activités sont illégales pourrait notamment jouer un rôle déterminant. Mais là encore Valve aurait les moyens de s'en sortir tout simplement en déclarant qu'il ne tire aucun profit des activités de ces sites. En effet l'éditeur ne taxe pas les paris, ni les échanges et ne possède aucune part dans les sites en question. De cette manière, même si les joueurs et les sites utilisent les facilités offertes par Steam, c'est un abus de leur part et non pas de l'éditeur. Ce point pourrait être discuté, et c'est d'ailleurs ce que compte faire l'avocat de Michael John McLeod, Jasper Ward du cabinet Jones Ward.

Ce dernier estime, et à juste titre, que Valve profite malgré tout de ce marché parallèle. Il a d'ailleurs déclaré ceci à ce sujet sur le site Esports Betting Report : « Valve profite bien entendu des paris de skins : ils prennent leur part lorsqu'ils vendent ces objets aux joueurs, et bénéficient de l'augmentation des ventes ainsi que de la popularité croissante de leur jeu. Car le succès des paris permet à CSGO d'avoir une exposition plus importante et donc d'augmenter ses revenus car les gens paris dessus ». Il est vrai que vu sous cet angle l'hypocrisie de Valve est patente, ces derniers n'ont pas décidé par hasard de lancer la mise à jour The Arms Deal Update en août 2013 (un an après la sortie officielle du FPS). Cette nouveauté aura d'ailleurs été un tournant décisif dans le succès du jeu qui jusqu'alors ne rencontrait pas le l'audience escomptée. Depuis lors le développement d'une scène compétitive solide, la création de toute une gamme de skins et un marché virtuel où les prix sont parfois prohibitifs ont été des éléments déterminants dans la réussite d'un titre tel que Counter-Strike: Global Offensive.

 

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Une action pertinente

 

Au final la plainte de Michael John McLeod pose tout de même des questions très intéressantes. Ces dernières méritent très certainement des réponses claires sur un jeu tel que Counter-Strike, mais également sur beaucoup d'autres qui profitent aujourd'hui de l'usage secondaire que peuvent en faire les joueurs. L'émergence d'une communauté importante, l’appât du gain et la tenue de compétitions, tout rappel les paris sportifs or l'esport semble conserver un statut particulier au regarde de la loi. Notons tout de même que comme dans le sport traditionnel, on ne peut tenir comme responsable l'éditeur des dérives de ses fans. Tout comme l'UEFA ne peut pas être condamnée si vous décidez de revendre vos places pour un match de l'Euro plus cher que vous les avez achetées. L'Union des Associations Européennes de Football peut en revanche être reconnue coupable si elle choisit de revendre à des prix défiant toute concurrence des billets à un tiers (c'est l'une des affaires pour laquelle des membres de la FIFA sont devant les tribunaux), ou bien si elle tirait un bénéfice direct des ventes sur le marché noir.

 

C'est bien sur cet aspect des bénéfices tirés que la plainte doit s'orienter si elle souhaite aboutir. Quoi qu'il en soit, et même si les experts en législation sur les jeux d'argent sont peu convaincus par les argument du joueur CSGO, une telle affaire aura forcément des répercussions. Tout d'abord aux États-Unis de nombreux cabinets d'avocats se sont spécialisés dans ce genre de cas, ils recherchent les failles des entreprises pour récupérer un maximum d'argent. Le coup de projecteur pointé sur les activités de Valve pourrait donc bien donner des idées à d'autres personnes pour attaquer l'éditeur. De plus le marché illégal des paris prend une ampleur sans précédent, à un tel niveau qu'il sera bien temps un jour ou l'autre de le réguler.

 

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En ayant vendu plus de 21 millions de jeux depuis 2012, Valve a déjà récupéré plus de 565 millions d'euros de revenus. Le site de Bloomberg avait estimé qu'en 2015 plus de 3 millions de personnes avaient parié au moins une fois pour une valeur totale en skins virtuels de plus de 2,3 milliards de dollars. Alors quand on sait que sur l'achat du moindre skin Valve récupère 15%, on comprend mieux pourquoi l'éditeur a tendance à fermer les yeux. Aujourd'hui CSGO n'est pas un free to play et pourtant il pourrait largement se le permettre, chaque année l'éditeur remporte plus d'argent par les revenus qu'il tire de la vente de skins que par celle de copies de son jeu !