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Hier soir se déroulait un référendum au Royaume-Uni pour savoir si le pays souhaitait ou non rester dans l'Union Européenne. Après dépouillement des deux tiers des bureaux de vote, ce que l'on a appelé le « Brexit » l'emporterait avec 51,9% des voix pour un taux de participation s'élevant quant à lui à 72,2%. Quelles conséquences ce résultat peut-il donc avoir sur le sport électronique ?

 

Tout d'abord revenons sur le but et l'origine même de ce référendum. Le Royaume-Uni a rejoint l'Union Européenne le 1er janvier 1973 en plein ralentissement économique mondial suite au choc pétrolier. Depuis lors, le pays était un membre à part entière de l'Union, même s'il bénéficiait d'un statut particulier (il avait conservé sa propre monnaie, ne faisait pas partie de l'espace Schengen etc.). Or il y a maintenant un peu moins de 10 ans, en 2007 très exactement, le Premier ministre britannique actuel David Cameron était élu et promettait la tenue d'un référendum sur le traité de Lisbonne s'il remportait les élections législatives de 2010.

 

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Trois ans plus tard, malgré la victoire de son parti politique, le Premier ministre semble avoir oublié sa promesse mais cette dernière se rappelle à lui suite à la montée grandissante d'un sentiment eurosceptique en plein cœur du pays. Il s'engage donc par la suite à organiser, s'il parvient à conserver son siège au 10 Downing Street, un référendum sur la question européenne d'ici à 2017. C'est donc le 23 juin qu'a eu lieu la consultation populaire avec une victoire du « leave », ce qui signifie une sortie pure et simple du Royaume-Uni de l'Union Européenne.

 

 

Les mauvais points pour l'esport

 

S'il y a bien une chose qui est certaine avec le sport électronique c'est qu'il n'a pas de frontières. L'industrie du jeu vidéo et ses compétitions sont internationales. Les équipes, les joueurs et les fans proviennent de l'ensemble du globe. Une véritable communion sans frontière se crée lors de chaque rendez-vous, même si le sentiment national demeure fort (on aime soutenir des Français et on apprécie les tournois type « Nation Wars »). Malgré tout cela n'empêche pas les professionnels d'être transférés de pays en pays, d'équipes en équipes, à tel point qu'il n'est plus rare de voir des formations composées de plusieurs nationalités différentes. Et le pire c'est que ces mélanges ont le don de plutôt bien fonctionner. Or une sortie du Royaume-Uni de l'Union Européenne pourrait avoir des conséquences sur les facilités que l'on avait actuellement, en tant qu'E²uropéen, à se rendre chez nos voisins Britanniques.

 

Car si le Royaume-Uni ne faisait pas partie de l'espace Schengen, des facilités pour les citoyens européens qui souhaitaient vivre et travailler outre-Manche avaient tout de même été mises en place via le traité de fonctionnement de l'Union Européenne (TFUE) et son article 45. Ce dernier garantit la libre circulation des citoyens européens à l'intérieur de l'Union et implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail. Autre point :

 

L'article comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique:
a) de répondre à des emplois effectivement offerts,
b) de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des États membres,
c) de séjourner dans un des États membres afin d'y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des travailleurs nationaux,
d) de demeurer, dans des conditions qui feront l'objet de règlements établis par la Commission, sur le territoire d'un État membre, après y avoir occupé un emploi.

 

Une sortie du Royaume-Uni impliquerait donc la fin de l'application de ce traité et par conséquent du statut privilégié des citoyens européens. Ces derniers seraient donc désormais traités comme tous les étrangers avec obligation d'obtenir un permis de travail sans bénéficier de tous les avantages qu'ils avaient jusqu'à maintenant. De plus il faudrait remplir plus de paperasse, faire une demande de visa, idem pour les Britanniques qui souhaiteraient sortir du pays pour aller dans l'Union. En clair là où aujourd'hui on cherche à simplifier au maximum les démarches administratives dans l'esport, la sortie du Royaume-Uni irait dans le sens inverse pour tous les citoyens européens. Cette situation pourrait par conséquent rendre moins attractif le pays dans la tenue d'événements internationaux.

 

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Autre point négatif les échanges commerciaux. Les accords qui avaient été signés et ratifiés seraient désormais caduc. Il faudrait donc en négocier de nouveaux et d'ici là les taxes de douane pourraient être à la hausse entraînant une baisse des échanges. Dans le sport électronique cela se traduirait par une baisse du merchandising des entreprises anglaises, un problème qui demeurerait mineur étant donné la très faible part de ce business dans le modèle économique de l'esport.

En revanche cette hypothèse de hausse des taxes ne plaisait guère aux éditeurs de jeux vidéo locaux. Un sondage réalisé en avril dernier dévoilait que 80,6% des sociétés liées aux jeux vidéo étaient contre une sortie du Royaume-Uni de l'Union Européenne, alors que seulement 3,2% étaient pour. Les 16,2% restant n'avaient pas encore une opinion totalement tranchée sur la question. Ce plébiscite massif pour rester dans l'Union s'expliquait par la peur de voir les taxes aux importations augmenter, et par voie de conséquence voir les prix monter dans le pays. En reniant l'ensemble des traités négociés depuis plus de quarante ans, le Royaume-Uni se place aujourd'hui seul et doit revoir l'ensemble de ses accords commerciaux, même ceux signés avec des pays hors de l'Europe étant donné que les accords européens faisaient foi dans le monde entier.

 

Dernier point d'interrogation la place de l'esport face à cette situation. A l'heure où le sport électronique commence lentement à être reconnu par les pays, l'Union Européenne pourrait se pencher prochainement sur cette question et légiférer pour l'ensemble des États membres. Une sortie du Royaume-Uni pourrait donc être à double tranchant, soit les politiques britanniques vont plus loin que l'Europe dans leurs prochaines décisions à ce sujet, soit ils vont moins loin auquel cas le pays prendrait logiquement du retard sur ses voisins. Ce point pourrait donc être un point positif, sauf que l'Europe s'est d'ores et déjà mise en marche sur cette évolution. Il est d'ailleurs actuellement question à Bruxelles de facilité le commerce des biens digitaux et de l'esport via le « Digital Single Market ». Ce dernier n'a toujours pas été ratifié mais les discussions se poursuivent, chose qui n'a pas débuté chez nos voisins Anglais.

 

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Les bons points pour l'esport

 

La réputation même du Royaume-Uni comme étant un État libéral avec de faibles impôts pourrait continuer à le rendre attractif pour les investisseurs. Cela permettrait d'assister plus à une hausse de son implication dans le sport électronique plutôt qu'une baisse. Idem en ce qui concerne les traités d'échanges, les rapports qu'a entretenu le pays avec ses voisins pendant plus de quarante ans devraient, dans la pratique, faciliter la signature de nouveaux accords assez rapidement. Ces éléments restent malgré tout des hypothèses, les réactions actuelles des marchés financiers internationaux ne semblent pas vraiment aller dans cette direction tant les places financières redoutaient cette victoire du « Brexit ».

 

Un autre point positif pourrait être la liberté retrouvée par les Anglais afin de voter leurs propres lois. Ainsi ces derniers pourraient, comme nous l'expliquions plus haut, voter des lois facilitant la pratique de l'esport. Il serait nécessaire d'aider les joueurs du pays lors de leur sortie du territoire mais plus important encore adoucir les procédures d'accueil des étrangers dans le pays : qu'ils viennent disputer des tournois ou jouer pour une formation britannique. Toutefois cette fois encore les raisons du « Brexit » ne laissent que peu de place à cette hypothèse. Les Anglais ayant signifié en partie leur peur de l'immigration étrangère, on peut s'attendre à des lois cherchant plutôt à rendre plus compliquée la venue d'étrangers sur le sol anglais. Une simplification des procédures exclusivement pour le sport électronique ? Difficile de croire que ce sera la priorité dans les prochains mois, voir les prochaines années.

A ce sujet d'ailleurs, la formation britannique la plus célèbre, Team Dignitas, par la voix de son président s'était exprimée publiquement contre une sortie de l'Union Européenne. Il faut croire que l'esport a encore trop peu d'influence pour que ces appels de dirigeants puissent avoir un quelconque écho. Mais une autre écurie célèbre, l'une des plus importantes du monde, possède son siège à Londres. Il s'agit des prolifiques fnatic, or ces derniers ne se sont pas exprimés sur la question. Il est vrai que les concernant, même s'ils sont présents chez les Anglais depuis de nombreuses années, ils possèdent déjà des bureaux dans d'autres pays et pourraient aisément déplacer leur siège dans une nation moins contraignante administrativement.

 

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Finalement la seule chose qui demeure certaine avec la victoire du « Brexit » c'est que l'esport ne sera la priorité pour personne. Les changements qui s'opèreront se feront sans consultation des joueurs ou des équipes et il faudra suivre le mouvement qu'il soit positif ou non. Les prochains jours seront déterminants quant à l'importance qu'a pu avoir le résultat de cette consultation populaire chez nos voisins. Cette victoire du « leave » accouchera-t-elle d'une souris ou non ? Les premiers qui risquent d'être touchés seront dans tous les cas ceux qui vivent et travaillent sur le sol britannique.