La rédaction se penche aujourd'hui sur les raisons de l'échec européen aux finales mondiales League of Legends.

 

Cette année, contrairement à tous les Worlds précédents (notamment la saison 3 où Fnatic est arrivé à la 3-4eme place), aucune équipe européenne n’a dépassé la phase de poules. Cet article va essayer de clarifier les raisons de cet échec en revenant sur tous les points qui ont pu jouer en la défaveur des équipes EU. 

 

La faute à pas de chance ?

 

La première explication possible à l’échec des équipes EU peut d’abord être expliqué par un manque de chance dans le draft des poules. Bien sûr, cette explication peut être jugée comme simpliste mais elle me semble suffisamment pertinente pour être développée.

 

Un petit rappel des Worlds de la saison 3 s’impose pour expliquer la ou nous voulons en venir. Lors de ces Worlds, deux des trois équipes européennes qualifiées se sont retrouvées dans un groupe « plus facile » que les équipes cette année.

 

Fnatic et Gambit se sont retrouvés face à Samsung Ozone (aujourd’hui Samsung White), la Team Vulcun (NA LCS) et Mineski (Wildcard). Ils ont évité les plus gros dangers de ces Worlds, OMG et SKT, qui ont roulé sur le groupe A (7-1 pour les deux équipes) et se sont retrouvés dans une poule où Samsung Ozone à fortement sous-performé, où la Team Vulcun n’était pas au niveau et où Mineski était à la hauteur des attentes d’une équipe du Wildcard Tournament (a fini à 0-8 dans la phase de poule).

 

Si on compare maintenant ces groupes à ceux de cette année, les équipes européennes se sont retrouvées dans les poules suivantes : 

- SK Gaming : TSM (1er rang NA), SHRC (2nd rang CN) et TPA (1 er rang SEA)

- Fnatic : SSB (1er rang KR), OMG (3eme rang CN) et LMQ (3eme rang NA)

- Alliance : NWS (3eme rang KR), C9 (2eme rang NA) et Kabum (Wildcard)

 

Pour SK Gaming, prive de son jungler pour les 3 premières games en raison de l’incident qui s’est produit à Taiwan (voir cet article), la qualification pour la phase finale était relativement compliquée. Malgré une victoire contre TSM et contre les TPA, leurs trois premières défaites ont enterré leurs espoirs de qualification. 

 

Fnatic voulait créer l'exploit - Crédits photo : RIOT

 

Les Fnatic quant à eux se sont retrouvés face au groupe le plus difficile de ces phases de poules : le « groupe de la mort ». Une qualif’ vers les phases finales était extrêmement compliquée et ce pour plusieurs raisons. Fnatic était confronté à l’équipe numéro 1 coréenne et il était fortement improbable que ses joueurs réussissent à sortir victorieux de deux matchs contre eux (même si le premier match était une démonstration du très bon jeu des européens).

 

Leur résultat face à la troisième équipe chinoise n’a rien de très surprenant. Pour rappel, Fnatic a un record de 2 victoires et 7 défaites (3-8 si on inclut LMQ) face aux équipes chinoises depuis les derniers Worlds. Pourtant, ils ont failli arracher une victoire de très près à OMG, victoire qui se sera jouée à un poil près.

 

Enfin, face à LMQ, Fnatic a montré de l’inconsistance, notamment leur midlaner et leur toplaner, sOAZ et xPeke. Sur la première game, ils n’ont pas aussi bien joué que sur la seconde et cela leur a couté en partie une place pour la phase finale. sOAZ n’a pas performé sur Lulu (0/1/3) et xPeke (ici Xerath) n’a pas réussi à contenir le Yasuo de XiaoWeiXiao (4/0/8). Cette supériorité des deux sololaners de l’équipe américaine a couté de nombreux objectifs à Fnatic au fur et à mesure de la partie et Rekkles, malgré un farm impressionnant sur Tristana, dans l’objectif d’atteindre le late-game le plus vite possible, n’a pas réussi à carry. La performance de Cyanide, enfin, n’a pas été à la hauteur de celle de Noname et le jungler européen a été relativement transparent pendant cette partie. 

 

Le soutien du français YellOwStar n'a pas suffit aux Fnatic - Crédits photo : RIOT

 

Le cas d’Alliance, enfin est un peu plus surprenant. On aurait pu attendre d’eux, sachant qu’ils ont fini 1er des EU LCS, une meilleure performance globale. Les Alliance ont plutôt bien réussi à gérer leurs games face aux coréens. Ils ont réussi à gagner l’early game de la première partie et leur défaite est en partie due à un manque de vision, une capacité à se faire catch dans leur jungle assez surprenante et à un throw durant le mid-game. En revanche, ils ont montré l’étendue de leurs capacités dans la seconde game en terminant une partie parfaite, 14-0 aux kills, tous les objectifs pour Alliance, aucune tour prise par les NWS. 

 

La performance de Alliance face aux C9 est elle aussi mitigée, une victoire et une défaite contre les américains. Le résultat de ces games est assez similaire à celui des games face aux coréens. Dans la première partie, Alliance a concédé beaucoup trop d’objectifs à Cloud 9 et en est sorti en gros désavantage malgré un meilleur scaling. Froggen n’a pas réussi à carry sa team en partie car il n’a pas spécialement bien performé sur Xerath et a perdu en early face à Syndra et la botlane des Alliance est sortie en retard sur les américains. 

 

Alliance est passée à côté d'une qualification quasi-acquise - Crédits photo : RIOT

 

Enfin, Aliiance vs Kabum est, à notre avis, la plus grande déception pour tous les fans européens. Alliance nous a montré tous les défauts qu’elle peut avoir ainsi qu’un manque cruel de préparation. L’Alliance qui a battu les coréens 14-0 et l’Alliance qui s’est faite défaire par Kabum n’avaient rien à voir. Il n’y a pas grand-chose à dire sur cette défaite si ce n’est que Nyph n’a pas été bon sur le warding et que toutes les lanes brésiliennes ont gagné leur matchup. Cette victoire de Kabum, première victoire des Wildcards aux Worlds, est porteur d’espoir pour le futur de ces Wildcards mais devrait aussi jouer le rôle de signal d’alarme pour Alliance. L’équipe européenne a accompli ce que Samsung Ozone avait accompli l’an dernier, en prenant ses adversaires de haut et en montrant un manque cruel de préparation, elle n’a ainsi pas réussi à se qualifier pour les phases finales. 

 

Finalement, la défaite des équipes européennes peut s’expliquer en partie par un défaut de chance lors du tirage des groupes, mais pas uniquement. Ils ont aussi montré un manque cruel de stabilité dans leur jeu, ce qui leur a couté à chacune une place hors des phases de qualification 

 

 

Trop d’instabilité dans le jeu des équipes européennes ?

 

Si l’on peut retenir un fait marquant dans l’histoire dramatique d’Alliance, de SK et de Fnatic, c’est l’inconsistance dont ont fait preuve ces trois équipes. Pourtant, ni SK ni Alliance n’ont fait preuve d’inconsistance lors du Summer Split. Comment expliquer alors ces résultats mitigés ?

 

Tout d’abord, la défaite de SK est relativement simple à comprendre, ils avaient 3 games sans leur jungler, Svenskeren, qui est l’une des principales forces de SK. Son exclusion a couté la victoire à son équipe et dès que l’annonce de l’exclusion de Svenskeren a été faite, SK était déjà quasiment exclue des phases finales. Il n’y a pas grand-chose à ajouter sur ce point mis à part le fait que cette exclusion a couté les Worlds à son équipe et qu’il devrait éviter de reproduire ce comportement à partir de maintenant. 

 

Le cas d’Alliance est plus surprenant néanmoins. Ils ont été l’équipe européenne numéro 1 pendant tout le Summer Split et ont montré une régularité dans leur jeu plus que remarquable. Pourtant, les Worlds ont fait rejaillir les vieux démons d’une équipe qui pouvait accomplir beaucoup. L’Alliance qui s’est présentée aux Worlds ressemble beaucoup à l’Alliance du Spring Split. Froggen est le pilier d’une équipe qu’il doit carry à lui seul. Ses teammates, quant à eux, doivent essayer au moins de rester à niveau égal avec leurs opposants sans pour autant trop carry.  

 

 

Dans leurs défaites, on constate des défauts fortement liés a ce plan bancal. La botlane d’Alliance, Tabzz et Nyph, a des performances moyennes voire décevantes, le warding fait défaut sur la map, Wickd ne gagne pas sa lane voire la perd fortement. Et Shook est invisible, ou quand on le voit, il n’est pas en position de gank car ses lanes sont en retard ou le jungler adverse est présent. Cette situation s’est présentée lors des trois défaites et il est très dommage que les Alliance aient fait cette première impression au monde alors qu’ils auraient pu accomplir beaucoup plus. 

 

Venons-en aux Fnatic. Si on pouvait qualifier Fnatic en un défaut, ça serait bien l’inconsistance. Ils l’ont montré à plusieurs reprises : lors du Spring Split et du Summer Split après une chain-lose battant tous leurs records et lors de ces Worlds. 

 

La performance des Fnatic est fortement dépendante de deux facteurs : leur midlaner, xPeke, et leur toplaner, sOAZ. De leur succès va dépendre, dans la plupart de leurs games, le résultat de leur équipe.  

 

Si les sololanes se passent bien, il y a de grande chance que la game se passe bien puisque la duolane est relativement solide et réussit à gérer son matchup dans une très large majorité des cas. Et Cyanide peut jouer efficacement le rôle de jungler-support et aider sa team à remporter la victoire. Le plan semble relativement solide mais si une des lanes performe mal, que ce soit sOAZ ou xPeke, il tombe à l’eau. Malheureusement pour les Fnatic, lors de leur première confrontation face à LMQ, de la seconde face à Samsung Blue et de la première avec OMG, les sololaners n’ont pas joué à la hauteur des espoirs de Fnatic. Le retard accumulé par sOAZ face à LMQ et OMG les a notamment mis en difficultés. La défaite face aux Samsung Blue semble en revanche plutôt due à de meilleures rotations de Samsung Blue qu’un misplay de Fnatic. 

 

Bien sûr, il est facile de mettre tous le poids des défaites de Fnatic sur les épaules des sololaners mais il faut ajouter ces deux points qui ont enfoncé Fnatic dans la défaite :

- Cyanide, à cause de son playstyle, ne peut pas remonter le retard de ses sololaners et espérer carry

- Rekkles n’est pas un playmaking ADC contrairement à Uzi ou imp et il préfère outfarm son opposant pour avoir plus d’impact dans les teamfights que lui. Ce style de jeu n’est pas un mal, au contraire puisqu’il a fonctionné jusque-là mais il ne semble pas être suffisant face aux meilleurs lorsque son équipe est en retard. 

 

Uzi, la mitraillette SHR - Crédits photo : RIOT 

 

Les équipes européennes (Alliance et Fnatic en particulier) ont bien fait preuve d’une instabilité frappante lors de la phase de groupe. Espérons que le manque de consistance qui a fait défaut aux équipes du Vieux Continents sera résolu pour l’année prochaine.  

 

Enfin, selon nous, un autre facteur a joué en la défaveur des équipes EU et a permis aux équipes NA de se qualifier, il n’est autre que LMQ. 

 

 

Faut-il un LMQ pour réveiller les EULCS ? 

 

L’arrivée de LMQ a été un choc pour la sphère des NALCS mais il a aussi eu un effet positif énorme pour les équipes américaines. LMQ a exporté de Chine plusieurs éléments qui manquaient aux équipes NA : les teamfights, l’agression permanente. 

 

LMQ, autrefois 6ème équipe des LPL (équivalent des LCS en Chine), a permis aux NALCS d’avoir une forte augmentation du niveau général des équipes. En effet, les joueurs américains ont pu pendant un Split entier faire l’expérience du style de jeu des équipes chinoises caractérisé par les teamfights et par une agression perpétuelle. 

 

S’il y a bien une catégorie dans laquelle LMQ est très bon, comparé au reste des équipes des LCS (NA comme EU), ce sont les teamfights. En permettant aux équipes nord-américaines de se confronter à un tel style de jeu, ils ont indirectement augmenté les capacités de toutes les équipes européennes à teamfight ou au moins à trouver des solutions contre ce type de jeu. 

 

Cela s’est illustré notamment dans les matches de Cloud 9 contre Najin White Shield ainsi que dans leur victoire face à Alliance. On en trouve aussi des exemples dans les teamfights de TSM face à SHRC où Dyrus et Bjergsen se sont illustrés avec les picks de Rumble et Orianna et des teamfights bien menés. 

 

Bjergsen peut se froter les mains après la qualification de TSM - Crédits photo : RIOT

 

Il faut remarquer que l’arrivée d’une équipe aussi forte et aussi compétitive a beaucoup apporté aux NALCS, et l’arrivée d’une team de ce rang aux EULCS ferait le plus grand bien à des équipes un peu trop passives. Malheureusement, il est aujourd’hui impossible pour une équipe entièrement étrangère de rejoindre les LCS (voir cet article). Il est relativement dommage que les EULCS soient privés de l’opportunité de voir arriver une équipe chinoise ou coréenne pour remonter le niveau global de nos équipes. Nous avons beaucoup à apprendre des équipes hors LCS, notamment des LPL et des OGN. 

 

LMQ a aussi permis d’apporter aux NALCS une pression permanente en phase de lane, XiaoWeiXiao est un midlaner très orienté sur le farm mais qui pourtant sait très bien gérer ses trades pour effrayer son opposant sur la midlane tout en ayant beaucoup plus de farm que lui. De la même facon, Vasili est l’un des ADC les plus agressifs de la scène NA (voire peut-être même inconscient). 

 

Rekkles tout sourire avant d'être mis en difficultés par les botlanes asiatiques - Crédits photo : RIOT 

 

Comparer le style de jeu de la botlane de LMQ face à une équipe américaine et celle de deux équipes européennes est relativement facile. On remarque à chaque fois que les botlanes NA sont beaucoup plus mises sous pression.

 

A ce titre, les Américains ont joué pendant 3 mois avec une équipe qui possède un playstyle de la sorte et entrent aux Worlds avec une préparation plus complète face aux styles de jeu plus agressifs populaires de l’autre côté du Globe. 

 

Bien sûr, si ce style de jeu est assez novateur pour la scène NA et présente de nombreux avantages, il est aussi l’une des raisons pour lesquelles LMQ n’est arrivé que 3eme lors des play-offs et ne s’est pas qualifié pour les phases finales des Worlds. LMQ semblent avoir beaucoup de mal à gérer ses games lorsqu’ils sont en désavantage. En effet, LMQ ne jouent pas sur d’autres stratégies que les teamfights. Lorsqu’ils ont un avantage, ils prennent un teamfight. S’ils sont en désavantage, ils prennent teamfight. LMQ a beaucoup apporté aux équipes américaines et il est dommage qu’une écurie de ce calibre ne puisse pas venir aux EULCS. 

 

Les européens n’ont que du positif à retenir de ces Worlds. Ils ont commis des erreurs qui leur ont couté une place pour les phases finales que ce soit par un manque d’humilité, de stabilité dans leur jeu ou encore de finesse dans leurs pseudos mais ce ne sont pas des erreurs irréparables, au contraire. Avoir le statut de spectateur leur permettra de voir ce que les équipes qui se sont, elles, qualifiées ont pu préparer pendant la dernière année.

 

L’Europe se doit de réagir à cette débandade lors des Worlds et doit apprendre de ses erreurs. Cependant, ses joueurs ne pourront jamais avoir un impact sur la scène internationale s’ils ne se confrontent pas aux meilleurs. L’ouverture de 3 IEM sur League of Legends avec des équipes de chaque grande région et potentiellement la mise en place d’une nouvelle Battle of The Atlantic plus sérieuse peuvent jouer fortement en faveur des européens. 

 

 

 

Le mot du rédacteur

Bravo à chacune de ces équipes pour leurs performances lors de ces Worlds. Je suis sûr cependant que tous les fans européens attendent beaucoup de vous pour l’année prochaine. Chaque équipe ne peut réaliser des progrès par rapport aux résultats de cette année. En revanche, je ne suis pas convaincu du fait que rester à jouer entre équipe européenne ne fasse progresser les européens. Bonne fin de Worlds à tous.