Ce week-end, Flash a conquis son premier titre individuel sur Starcraft II aux IEM Toronto. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il a impressionné, comme à la parade. Sans s'enflammer et dresser une statue à la gloire du retour des belles années du Dieu terran, il est toutefois nécessaire de faire un petit bilan de la compétition et de remarquer qu'il n'y avait pas forcément besoin de s'appeler Madame Irma pour prévoir cette performance, et sans doute les suivantes. Portrait d'une légende redevenue réalité.

 

 

Pourquoi est-il si fort ?


Flash est un Bonjwa (terme coréen qui désigne un joueur qui a dominé pendant plusieurs années la scène Starcraft ou Starcraft II), un gagnant, et il a ça dans le sang. Il n'y a qu'à écouter ses interviews d'après-match de ce week-end, où il a rappelé à de nombreuses reprises qu'il n'était pas de ceux qui plient sous la pression. Et force est de constater qu'étant donné ce qu'il a montré, on ne peut pas vraiment lui donner tort.


Est-il nécessaire de rappeler à quel point Flash était un monstre sur Brood War ? Oui et non. Oui, parce qu'il est indéniable que sa grande expérience de Starcraft premier du nom l'a aidé à arriver au niveau où il est aujourd'hui et à traverser les obstacles sans réelle barrière mentale. Non, parce que comme la plupart des autres joueurs mythiques de BroodWar, la transition sur Starcraft II a été plutôt compliquée. D'ailleurs, aucun autre, à part JaedonG, n'a jamais remporté de titre individuel sur le deuxième opus. La réussite de Flash sur Starcraft II n'est donc pas une évidence conditionnée par sa réussite sur Brood War.


Les premiers mois de sa transition en sont d'ailleurs l'illustration la plus criante, bien peu de performances hors du commun, exception faite d'une MLG où il se fait éliminer dans les derniers rounds par Life, sans toutefois repartir avec un tableau de chasse très fourni. À tel point que lors d'une interview récente, il confesse que lui et son coach ont pensé à le faire passer Protoss, pensant que son style de jeu de BroodWar (basé majoritairement sur le camping) s'y accordait plus qu'avec Terran.

 

 

Une bonne illustration du jeu de Flash sur BroodWar

 

 

Mais ça n'arriva pas et, qu'à cela ne tienne, Flash rentra au pays du matin calme s'entraîner et réviser ses classiques. Pendant une très longue année, il va progressivement prendre de la dimension, progresser, jusqu'à ce milieu d'année 2014, où il a réalisé, en amont de ces IEM, des performances remarquables. Premièrement, il est la pierre angulaire de la victoire de son équipe KT Rolster en Proleague, terminant dans les tout meilleurs joueurs de la compétition, où il signe des victoires capitales (notamment en playoffs où il ridiculise sOs et PartinG). Deuxièmement, signe encore plus fort, il roule sur tous ses adversaires dans la compétition la plus difficile au monde : le Code S de la GSL. Il est d'ailleurs encore en course pour la victoire finale, après avoir gagné 7 matchs d'affilée (une seule map concédée). Voici ce qu'il dit à propos de ces récentes performances :

 

Depuis cette année, j'ai changé d'état d'esprit, j'ai augmenté mon nombre d'heures d'entraînement et j'ai commencé à vraiment travailler mes stratégies. On dirait bien que ça commence à payer.

Flash après sa victoire aux IEM Toronto contre Snute.


Ce n'était donc pas trop se mouiller que prédire que Flash allait bien figurer lors de ces IEM, puisque c'est simplement dans la continuité de son parcours actuel. Pas au point de dire que la manière et le résultat n'ont impressionné et surpris personne. Car Flash a été, pour la première fois, le joueur qu'on attendait qu'il soit. Solide, dynamique, précis, présent sur tous les fronts, rendant ses adversaires prévisibles. Et ce, dans les trois match-ups.

 

 

Le TvZ reste sur sa faim


Flash a montré avec ses récentes sorties en GSL et en Proleague qu'il était sûrement le meilleur joueur de TvZ au monde (il n'a pas perdu de zerg depuis plus de 2 mois), restant en tout cas son meilleur match-up. C'est avec cette certitude qu'il aborde les IEM, et le sévère 2/0 infligé à Scarlett, pourtant experte du domaine, est un avertissement au prochain représentant du swarm qui croisera sa route.


Et pourtant, paradoxalement, c'est Snute, un zerg, et qui plus est non coréen qui va être un de ceux qu'il aura le plus de mal à battre lors de ces IEM, en quart de finale. Certes, lorsqu'on regarde le score sans avoir vu le match, on se dit que Snute a été au niveau et a tenu tête au Dieu terran. On ne peut plus logique, considérant que le joueur norvégien est devenu l'apôtre du beau jeu ces derniers mois, disposant sans doute d'une des meilleures macro européennes (mondiales ?). On constate cependant, après observation minutieuse des parties, que Snute a all-in dès qu'il a pu, alternant le Baneling Burst, le Violet Push ou encore le all-in Roach. Alors certes, les parties ne se sont pas forcément terminées juste après, Snute parvenant le plus souvent à effectuer une transition macro après suffisamment de dégâts infligés à Flash. Mais il est intéressant de constater que, clairement, contre Flash, Snute n'a absolument pas joué son jeu habituel.

 

 

Ça va couper chérie !

 

 

Pensait-il que Flash l'avait étudié et cherchait-il de ce fait à le surprendre ? A-t-il eu peur d'aller chercher le terran sur son propre terrain et jouer la macro-game à la « loyale » ? Beaucoup de questions qui resteront sans réponse, il est néanmoins important de noter qu'à partir du moment où Flash a été mené 2/0 dans le Bo5, il n'a plus jamais été inquiété. Il a géré les trois games suivantes d'une main de maître, ne se faisant plus surprendre par les stratégies agressives de Snute (il a d'ailleurs lui-même fait un build très agressif lors de la game 3, obligeant cette fois-ci Snute à all-in). En résumé, malgré le score serré, Flash a montré qu'il était bien supérieur à Snute sur ce quart de finale, la tactique de Snute sonnant en réalité comme un aveu d'impuissance.

 

Notons que le TvZ de Flash est assez unique en son genre. Il est en effet un des seuls terrans de haut niveau à jouer sans mines, se reposant sur la bio (marines et surtout maraudeurs) et sur un peu de mecha (hellbats et surtout thors). Ce style permet de supprimer le paramètre «aléatoire » du tir des mines (trop soumis au hasard et à la micro du zerg), le sort d'une fight demeurant davantage sous le contrôle du terran, à travers sa micro. C'est sans doute un des facteurs de la réussite de Flash dans ce match-up, étant donné qu'il joue comme personne d'autre, les zergs doivent s'adapter et sortir de leur zone de confort.


Flash n'aura donc pas pu réellement montrer la robustesse de son TvZ comme il a pu le faire en GSL par exemple, beaucoup d'ailleurs espéraient une finale contre Life, comme un symbole de revanche de la MLG en 2012. Il a toutefois envoyé un message clair aux autres prétendants, après avoir remonté facilement un 0/2 : sa faiblesse, s'il devait y en avoir une, ne serait pas mentale.

 

 

TvT, Mech It Happen !

 

Abordant son match contre TaeJa, Flash se trouvait dans une relative position de confiance. Un jour plus tôt, avant que Flash / Snute se joue, la question a été posée à TaeJa de savoir qui il préférait affronter, et il répondit que compte-tenu de l'état de son TvT, faire face à Snute serait sans doute mieux pour lui. Et, en effet, après s'être fait rouler dessus par Polt 3/0 quelques jours plus tôt en finale des Red Bull Battlegrounds de Détroit, on ne peut pas dire que le joueur de chez Liquid soit dans dans la position du favori. Autre élément jouant en la faveur de Flash, le fait qu'il joue exclusivement mecha. Il a d'ailleurs précisé dans une interview que cela lui rappelait le jeu terran sur BroodWar, qu'il croyait beaucoup au potentiel du raven et surtout que cela lui faisait moins mal au bras (certains auront peut-être remarqué sa cicatrice derrière le bras droit, résultat d'une opération censée corriger des problèmes survenus après une pratique trop intensive de Starcraft). Le jeu mecha en TvT est beaucoup moins exigeant que le jeu bio, surtout lorsqu'ils s'affrontent, le joueur utilisant ce dernier ayant interdiction de prendre une fight frontale sous peine de perte instantanée de la game.

 

 

C'est ce qu'on appelle une nuée de corbeaux

 


C'est donc confiant, dans sa tête et dans son jeu, que Flash débute ce Bo5 contre le meilleur joueur du monde hors Corée. C'est pourtant TaeJa qui prend l'ascendant en remportant la première game, après un bon opening Gaz first banshee où Flash a tardé à installer ses défenses, à cause d'un 15 Gaz pas vraiment optimisé. Flash ne fera pas la même erreur deux fois, il recolle au score très rapidement après une game de trade base assez bizarre où le joueur KeSPA négocie mieux que son adversaire. La troisième game est sans aucun doute la meilleure, offrant une véritable opposition de style entre mech et bio, où TaeJa montra toute l'étendue de son talent, jouant à merveille avec le positionnement et le multitask. Malheureusement pour lui, Flash parvient à accumuler trop de raven et gagne une fight décisive air contre air qui condamne TaeJa. Si ce dernier a montré une maîtrise du midgame d'un niveau très relevé, c'est bien la supériorité de Flash dans la maîtrise du lategame qui a compté.


La quatrième et dernière game est bien plus courte mais tout aussi représentative de l'ascendant de Flash sur TaeJa. Sur Sejong, il y a peu de TvT où la prise de position à proximité du rocher de la B2 de l'adversaire n'est pas utilisée, il y a d'ailleurs toute une série de builds spécifiques. C'est un de ceux-là que TaeJa va utiliser, mais c'était sans compter la remarquable intelligence de jeu de Flash, qui va casser le rocher très tôt dans la partie et attaquer l'armée de TaeJa avant qu'elle arrive chez lui. Après avoir pris un tel avantage, la suite n'est qu'une formalité pour Flash qui grâce à une B3 très rapide et des drops hellbats contraint TaeJa à s'incliner et à rentrer chez lui à un stade auquel il n'est plus habitué à perdre en tournoi.

 

 

Bah ? Il est passé où le rocher ?

 


Pour conclure, Flash a donc une nouvelle fois montré qu'il était intrinsèquement meilleur que son adversaire, ayant un temps d'avance concernant les stratégies et ayant gagné la guerre des nerfs du Carrousel. Son opening le plus régulier étant le 15 Gaz (build popularisé par ForGG), rendant son earlygame quasiment imprenable lorsqu'il est bien exécuté, et le fait que son jeu mech soit basé sur 3 spatioports très tôt dans la partie le rend extrêmement solide jusqu'en lategame, où il n'a plus qu'à faire parler sa gestion sans égale. Cela fait d'ailleurs bientôt 2 mois qu'il n'a pas perdu de terran en compétition, s'étant débarrassé, excusez-moi du peu, de Maru, GuMiho et Reality dans le tournoi de qualification pour ces mêmes IEM.

 

 

En TvP, le bouclier comme épée ?

 

Avant de parler de la finale contre Zest, il est important de parler du seul joueur qui a réussi à battre Flash au cours du tournoi, ce diable de MC. Et si le BossToss a pu réaliser cet exploit, c'est parce qu'il utilise un style de jeu qui convient parfaitement pour jouer contre Flash. Ce dernier a en effet tendance à jouer de manière extrêmement dynamique et agressive contre Protoss, avec beaucoup de multi-fronts. Or, MC est un des seuls Protoss à jouer sans colosse, et base sa compo sur des immortels et du blink très tôt dans la partie, le rendant insensible aux drops. Un TaeJa par exemple, dont le gameplay est beaucoup plus solide et beaucoup moins risqué, qui attend patiemment la bonne fight pour frapper, aurait eu de meilleures chances. Parenthèse terminée.


Le TvP de Flash est de loin son moins bon match-up (vu son ratio, on va quand même éviter de dire que c'est le « pire »), et c'est pourtant ce que beaucoup s'accordent à considérer comme un des meilleurs protoss au monde qu'il a battu sur le score sec de 4 à 1. Petit détail à considérer, Zest et Flash font partie de la même équipe, s’entraînent donc ensemble et cela a donc son importance, nous allons le voir.

 

 

C'est ce qu'on appelle un héros-marine

 


Sur la première game, rien de très intéressant à signaler à part que Zest décide de partir sur un all-in colosse sur deux bases, que Flash parvient à scouter grâce à un marine. S'adaptant très vite et parvenant à contrer, la game tourne alors rapidement à l'avantage du terran qui conclue quelques minutes après une défense toutefois plus que tendue. La game suivante se passe sur Sejong et visiblement Flash est très au courant du panel de stratégies de son team-mate. Ce dernier réalise en effet un all-in immortel (un peu comme contre TaeJa en poules, game à voir absolument) avec une proxy robo, et Flash la scoute presque immédiatement. Néanmoins, sans doute enhardi par un excès de confiance suite à la première game, il décide de sortir pour casser le proxy mais perd la fight. Zest est ensuite trop devant et sa micro est trop bonne pour que Flash puisse gagner la game.

 

 

Le moment où le protoss est déçu

 


La troisième game est également intéressante dans l'adaptation de Flash au jeu de Zest. Le protoss a une forte tendance à jouer très agressif, notamment avec ses premiers colosses. Après un opening blink que Flash repousse sans trop de soucis, c'est bien un push colosse que décide de faire Zest. Mais c'était sans compter l'intelligence de Flash, qui s'adapte parfaitement au style de son adversaire en jouant avec très peu de médivacs (deux seulement) et des upgrades très late, respectivement pour avoir plus de vikings et plus d'armée au sol. Pari gagnant pour le joueur terran qui reboot sans difficulté et qui gagne la game.


La pénultième game sur Morte-Aile est sûrement la moins intéressante de toutes, puisque Flash décide de faire un timing sur le combat shield, qui fait pas moins de 16 victimes dans les probes de Zest, étant victime de son mauvais placement de mothership core. Flash a en effet tendance, contrairement à beaucoup de terrans, à lancer son bouclier de combat AVANT le stimulant, ce qui a un double effet kisscool : les pressions standards d'early et de midgame sont donc plus puissantes puisque les marines ont plus de vie, et les all-ins Protoss censés arriver avant le stim arrivent après le bouclier de combat (dont la recherche est plus courte) et sont donc plus faciles à contrer. Après son timing push, Flash applique à la lettre le principe du « when you're ahead, get more ahead », cher à Artosis, en installant tranquillement son économie et son armée, capitalisant sur son avance. Il n'a plus ensuite qu'à push avec 50 de pop d'avance et diviser l'armée du protoss qui n'a pas assez pour défendre sur tous les fronts et qui est obligé d'abandonner.

 

 

Quand il y a plus de ghosts que de zélotes, c'est que ça sent pas bon

 


La dernière game qui scelle le sort de Zest est une véritable démonstration de la part de Flash. Prenant une base cachée sur Nimbus, il parvient à outmacro Zest, et après l'avoir fait courir un peu partout entre ses propres bases, il négocie plusieurs fights à la perfection, faisant parler sa micro des ghosts et de la bio. Zest, qui avait paru tellement supérieur à YoDa au tour d'avant, est complètement dépassé et submergé par les assauts de Flash, qui s'impose au final assez tranquillement et va décrocher son premier titre majeur sous les applaudissements du public canadien.

 

 

En route pour la BlizzCon ?

 

Flash l'a dit, juste après sa victoire, il est très heureux d'avoir honoré sa promesse de revenir à un niveau similaire sur Starcraft II que ce qu'il avait sur BroodWar. Après ce qu'on a vu, successivement en Proleague, en GSL et ce week-end à Toronto, on peut le considérer comme un des meilleurs joueurs mondiaux. N'ayant pu participer à aucun autre évènement hors Corée étant donné que son équipe KT Rolster avait fait de la Proleague sa priorité et souhaitait que ses joueurs s'y consacrent au détriment du reste, Flash figure à une modeste 34ème place au classement WCS, où seuls les 16 premiers ont rendez-vous en novembre à la BlizzCon pour les finales mondiales.

 

 

We all pray Terran God !

 

 

La GSL étant, avec la récente KeSPA Cup, le seul distributeur de points WCS au pays du matin calme, Flash avait la quasi-obligation de gagner ces IEM, participer à la BlizzCon figurant ouvertement dans ses objectifs à court terme. Il faudra faire au moins un top 4 dans deux des compétitions les plus relevées au monde pour faire partie du voyage à Anaheim, et s'insérer officiellement dans la crème de la crème. Les prochaines semaines s'annoncent palpitantes et décisives pour Flash, que certains rêveurs annoncent déjà comme le nouveau Bonjwa de Starcraft II, après Mvp. L'échiquier est en place. Les pièces avancent.